Regards croisés sur les contentieux du sport
Chères toutes, chères tous,
Le mois dernier, j’ai sollicité différents arbitres et avocats en droit du sport pour échanger avec eux des regards croisés sur les contentieux du sport.
Avec la financiarisation croissante du sport (et particulièrement du football), les enjeux des contentieux prennent en effet en importance, et des sujets de valorisation du préjudice émergent.
Retour sur les points de discussion les plus intérressants que j’ai eu le mois dernier.
La perte de chance de réaliser de meilleures performances sportives
Sans surprise, la perte de chance - comprise comme la perte certaine d’une éventualité favorable - constitue l’instrument de chiffrage le plus indiqué en matière de réparation d’un empêchement fautif de réalisation de performances sportives.
Cet empêchement peut être de plusieurs natures :
fin de carrière prématurée ou d’un joueur à la suite d’une erreur médicale du staff d’un club ou d’une organisation ;
fin de carrière prématurée ou d’un joueur à la suite d’une erreur de sanction judiciaire/disciplinaire (c’est notamment le cas de l’affaire Sakho contre l’agence mondiale antidopage, affaire évoquée dans la présente newsletter fin 2020) ou de la rupture anticipée du contrat du joueur injustement accusé ;
saison blanche ou relégation d’un club à la suite de la blessure simulée ou à l’abandon de poste d’un ou plusieurs joueurs cadres ;
perte de valeur d’un ou plusieurs joueurs à la suite d’une mise au placard / à la création d’un loft par leur club (perte de chance de toucher un salaire plus élevé dans un club de meilleur standing par exemple);
perte de chance pour un club d’évoluer à son meilleur niveau suite à une décision exceptionnelle (fautive) de relégation administrative/ non-remontée par une fédération sportive (c’est notamment le cas de l’affaire pendante Toulouse FC c. LFP et FFF concernant la saison 2020/2021).
Précisons que, dans ce dernier cas, le chiffrage ne doit pas être effectué exclusivemet sur une la base d’une perte de chance car les impacts financiers d’une relégation administrative/non-remontée sont pour partie connus à l’avance (le chiffrage serait alors effectué en partie sur la base d’un calcul de gain manqué classique).
La question des transferts
Les transferts avortés constituent des faits moins graves pour un joueur et son agent qu’une fin de carrière définitive. Aussi, y-a--til peu de contentieux frontaux sur ces sujets car agents, joueurs et clubs ont tout intérêt à préserver une relation d’affaires.
Techniquement, un transfert avorté par le club (sur la base d’une pseudo non-conformité détectée lors de la visite médicale) ouvre toutefois la possibilité pour joueur et à son agent de réclamer les gains manqués liés au contrat (salaires et primes du joueur, commissions et pourcentage à la revente de l’agent).
Par ailleurs, sur un volet plus conseil, nous avons noté que des investigations financières étaient parfois (mais encore assez rarement) diligentées par des nouveaux dirigeants de club afin d’enquêter sur les mouvements financiers (de commissions-rétrocommissions) réalisés dans le cadre d’un transfert.
Dans certains cas, ces investigations financières ont d’ailleurs été directement diligentées par les tribunaux pour enquêter sur des malversations (dans l’affaire du transfert de Dembelé du Stade Rennais au Borussia Dortmund par exemple).
alors effectué en partie sur la base d’un calcul de gain manqué classique).
Les contentieux d’actionnaires au sein de l’écosystème sportif
À l’instar des contentieux d’actionnaires classiques, ces contentieux portent généralement sur la dissimulation d’informations stratégiques aux autres actionnaires (boursiers ou non), ou aux futurs actionnaires dans le cadre d’une transaction.
S’agissant d’un préjudice boursier (pour la Juventus de Turin par exemple, dont l’équipe dirigeante a démissionné récemment et a dissimulé à ses tifosi de nombreuses malversations), le préjudice correspond très classiquement à la moins-value latente réalisée par l’actionnaire ayant acheté ses actions sur la période de malversations sans en avoir conscience de ces dernières.
Pour un contentieux entre actionnaires privés, le préjudice s’apprécie généralement à l’aune des clauses contractuelles (de l’acte de transaction et/ou du pacte d’actionnaire) bien que la réparation du coût total de la transaction puisse être recherchée sur une base délictuelle, en cas de dissimulations d’informations stratégiques et/ou de manœuvres dolosives.
Le contentieux d’image et la propriété intelectuelle
Nous distinguons dans cette dernière rubrique deux types de contentieux : ceux liés aux droits d’images de joueurs et d’anciens joueurs, et ceux liés à l’image du club et fédérations.
Concernant les joueurs, la plupart des contentieux en cours sont portés par d’anciens joueurs et concernant la cession automatique et collective (et considérée comme fautive) de leur droit à l’image à des organisations tierces (par exemple Panini qui en plus les monétise directement) par les clubs et fédérations.
Concernant les clubs et fédérations, cela touche à des contentieux classiques de contrefaçon (de maillots), de parasitisme (ambush marketing aux abords des stades), ou de gestion de l’image de marque (contentieux contractuels sur les équipementiers et partenaires officiels, comme l’affaire pendante entre l’AS Roma et New Balance récemment).
Sur ce type de contentieux (contrefaçon / concurrence déloyale/ inexécutions contractuelles), l’expertise financière s’avère particulière utile car la loi et la jurisprudence reconnaissent plusieurs méthodologies de chiffrage.
Au reste, ces chefs de préjudices font très souvent l’objet d’expertises financières dans des secteurs plus traditionnels. Les outils d’évaluation de préjudices dont nous disposons leur sont donc naturellement adaptés.
Telles sont les principales idées qui ressortent de nos entretiens sur le sujet. N’hésitez pas à nous contacter pour éclaircir un point précis ou traiter d’un dossier plus particulièrement.
A bientôt sur les dossiers,
Arnaud Cluzel
arnaud.cluzel@aeque-p.com
Associé - Æque Principaliter